JOURNAL POETIQUE T7
Maman ,
Hors la cour commune
-journal poétique T7-
Ce treize Mai d’il y a…
En l’an d’avant 2000
Elle referma sur elle
Sa dernière porte quitta
La cour commune… MAMAN…
Elle habite – j’y veux croire
Y croire oh oui ! Bon Dieu !-
Du côté des étoiles
Voyage en des pays
Que tracèrent les espoirs
Et les rêves des vivants
Y croire et croire encore
Elle chantonne par les vents
Ces berceuses qui si bien
M’apaisaient quand j’étais
Petit homme accroché
A son flanc à sa voix
Croire et croire ! Rage de croire !
Elle pavoise l’univers
Elle-Colette-ma mère-M’man
De ses mots rires et larmes
De la houle maternelle
Où j’allais reposer
Mais…
N’est-ce mirage
Cette parole
D’homme de fils de poète
Portée contre un silence
Dont rien
Ne donne mesure ?
Est-ce grandir que céder
A la mort cet écho
Ricochant de la mère
A l’enfant – Ce babil
Cette couture de l’intime- ?
Est-ce grandir qu’un matin
Ne plus dire à personne :
« Maman tu Maman je » ?
« Maman » le mot
Que désormais
Je ne dirai chuchoterai
Qu’en regardant des photos
Ou en conversant :
« Maman elle… »
Le savoir n’y pas croire
Et pourtant…
Si les douleurs
Etaient à fuir
Celle-là fut à vivre
Cette mort cette perte
La grande perte
D’une aile protectrice
Le savoir n’y pas croire
Mais le dire l’écrire
L’écrier…
Ce douze Mai d’il y a …
En l’an d’avant 2000
J’entrai dans l’hôpital
Et mon pas dans les pas
De mon père pénétrai
Le domaine où la mort
Attire éteint étreint
Toute l’humaine procession
Et je la vis
Ma mère
Si jaune
Sur les draps si blancs
Que « Maman » devint nom
Egaré incertain
Sur un corps
Où quelqu’un d’autre
« L’inconnue »
Se lovait telle vermine
Jaune sa chair qui perdait
Peu à peu sa chaleur
Jaunes ses yeux
Dont le mal
-Le cancer- avait fauché
Les sourcils
(Ah ces yeux ronds
De hibou terrifié !)
Jaune sa main
Dans ma main
Sa main dure
De bois mort
Jaune son crâne
Qu’une perruque
Indocile dénudait
Au gré de gestes
De naufragé
Clap de fin
Ce fut la dernière fois
Que je la vis « être »
Dans cette solitude
Des mourants
Aujourd’hui je me dis
Qu’elle se sera bien battue
-Trois ans-
La petite chèvre
Et que sa mort
Libéra la parole
D’un clan plutôt taiseux
(Mon père mes frères
Et moi échangeâmes
Des larmes et des mots
Les mots qui disent
Et les mots qui cachent)
Aujourd’hui je ne sais
Quelle image
Garder d’elle
Elle est devenue
La somme de ses images
Aujourd’hui je regarde
Une photo et c’est comme
Une prière
Moi le mécréant
Je VEUX CROIRE
Croire en l’ « après »
L’ « après » de la vie
Je VEUX ESPERER
Qu’elle est « autre »
« Quelque part »
Et qu’elle veille
Sur mon pas…
« Maman »